Les Créations Messagères
ActualitéInterview de William Amor dans SLOW MADE par Loic Sellin
Un sac en plastique souillé et jeté sur un trottoir se transforme en rose et de vieux mégots de cigarette en marqueterie. William Amor est un alchimiste du rebut, un magicien de la matière abandonnée. ⁃ Le monde floral l'inspire particulièrement.

Interview de William Amor dans SLOW MADE par Loic Sellin

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LES FLEURS DE L’ALCHIMISTE  

Un sac en plastique souillé et jeté sur un trottoir se transforme en rose et de vieux mégots de cigarette en marqueterie. William Amor est un alchimiste du rebut, un magicien de la matière abandonnée.
Le monde floral l’inspire particulièrement.  
  
Pour lui, il n’y a pas de déchets. Tout n’est qu’une question de regard et de jugement de valeur. Cette intuition, William Amor l’a eue le jour ou, quittant son petit village lorrain natal, il s’installa à Paris. Jusque-là, enfant unique d’un artisan et d’une secrétaire, il vivait au milieu de la nature, où précisément il n’y a pas de déchet car tout se transforme :
Le vivant crée à nouveau du vivant.
Enfant déjà, celui qui se définit comme « hypersensible » était fasciné par les fleurs qu’il collectait et rangeait soigneusement dans ses herbiers ou faisait pousser dans le petit coin du jardin familial lui étant réservé :
Rien ne peut être comparé à la beauté des fleurs. C’est l’expression la plus pure de la séduction.

Transforme-moi en fleur… »

Après avoir abandonné ses études, voilà donc le jeune Lorrain à Paris.  Devant tous ces déchets qui jonchent le sol, il s’étonne :
 » Pourquoi  tant de gâchis et d’indifférence? « 
Une vulgaire boite en plastique  abandonnée lui parle : « Transforme-moi en fleur… »
Pour continuer  le cycle de la vie car, à force de mépriser nos rebuts, nous avons fini  par oublier d’où ils viennent. 
« Comme les plantes, ils ont pourtant une  origine organique. C’est de la matière brute. Du jus de dinosaure. »
 
William Amor fait ainsi allusion à l’époque ou, il y a 300 millions  d’années, à partir d’êtres vivants (végétaux, animaux), se forgèrent  ces boues de sédimentation qui allaient devenir le pétrole. Nos  déchets plastiques viennent donc de notre mère-nature sublimée par  l’industrie pétrochimique, « comme l’or et le diamant qui, au départ, ne  sont que de vulgaires cailloux ».  
C’est en plasticien autodidacte qu’il se livre à sa mission. Pas à pas, jour après jour, William Amor offre un nouveau destin aux sacs, aux mégots, aux contenants qu’il cueille sur le bitume parisien, comme autrefois les fleurs dans sa campagne lorraine.
Les déchets, pour moi, sont des graines d’où une nouvelle beauté surgira.
Ces détritus, il les lave, les gratte, les colore, les chauffe, les triture, les gaufre, les sculpte pour les métamorphoser en roses, en marguerites, en tulipes, en parures, en broderies, en murs végétaux. Il tâtonne, armé d’outils de joaillier, de parurier floral, de sculpteur, toute une panoplie propre à l’artisanat d’art.
Il ne cherche pas, il trouve et s’étonne d’obtenir une matière encore plus subtile que la soie et aussi pure que le cristal. Les rebuts les plus improbables peuvent devenir des ressources.
 
C’est ainsi que pour magnifier le flacon d’une prestigieuse cuvée de Piper-Heidsieck, il gratte le fond des cuves à champagne où s’accrochent les tartres pour en extraire des cristaux dont il façonne des joyaux. Par ces gestes d’ennoblissement de matériaux délaissés, William Amor envoie au monde des  « créations messagères », esthétiques et poétiques, dédiées au Beau et à « l’éternel vivant »
 

Kenzo, Balmain et Dior… un défilé de grands noms le plébiscitent  

Dans son atelier parisien de la Villa du lavoir, ses œuvres fascinent, émeuvent les visiteurs et, très vite, attisent l’intérêt des grandes maisons de couture.
Ses bouquets, ses guirlandes florales, ses parures décorent et subliment les flacons de parfum, les robes de haute couture, les bijoux de Kenzo, Balmain, Christian Dior, Balenciaga, Chopard…
 
Lauréat du Grand Prix de la création de Paris (2019), de la, Fondation de la Banque populaire (2019) et de Rémy Cointreau  (2020), les plus nobles institutions lui tressent des lauriers. Ses œuvres ont été accueillies dans de nombreux musées comme le  Musée des Arts décoratifs ou le Musée Massena à Nice.
 
Au-delà de l’art décoratif, son imaginaire le pousse à créer des installations féeriques comme ce Théâtre de la Métamorphose pour  Lancôme en 2023 : une pièce de 25 m² ou des milliers de fleurs, d’étamines et de pistils jouent avec la lumière et les couleurs pastel dans  une évocation de ce que pourrait être le paradis.
Ou encore cette  formidable suspension sculpturale Envolée poétique du Salon Révélations, au Grand Palais (2019). Son travail est évidemment à cent  lieues du courant de l’upcycling (du simple recyclage) et de la simple  représentation artificielle de la fleur. William Amor est un plasticien-archéologue de notre monde moderne, un poète qui bouscule  la limite entre art et artisanat d’art et métamorphose l’abandon en  épiphanie.
 
A l’inverse d’un Magritte qui proclamait : « Ceci n’est pas  une pipe », il peut affirmer de ses créations issues de nos poubelles  « Ceci est bien une fleur »  
Loic Sellin  
 
 

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    William Amor, trouve l’origine de sa démarche artistique dans une volonté de mettre l’art au service de la poésie, du vivant et de l’écologie. Avec ses œuvres singulières, sensibles et porteuses de sens, l’artiste propose un autre regard sur tout ce qui nous entoure et ce dont nous avons oublié ou dénigré la présence, l’existence et l’origine.